La liaison qu’entretint Elizabeth Smart avec le poète britannique George Barker dans les années 1940 fut immortalisée, sous ses aspects tant grandioses que douloureux, dans le magistral À la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j’ai pleuré. Inédit en français jusqu’à ce jour, L’arrogance des vauriens est en quelque sorte la suite de ce récit. Dans la veine autobiographique du premier livre de l’écrivaine, ce roman met en scène une Elizabeth Smart aux prises avec le rationnement et la pauvreté dans le Londres dévasté de l’immédiat après-guerre, s’efforçant tant bien que mal de subvenir à ses besoins. Se heurtant à l’adversité, la jeune mère célibataire est en quête de réponses sur la finalité de l’amour, les compromis à faire et le sens de l’existence même. L’aspect personnel du récit cède quelque peu la place à une vision universelle des choses, même si le style parfois audacieux nous rappelle que c’est bien à l’auteure d’À la hauteur de Grand Central que nous avons affaire ; une prose riche mais tout en sobriété semble couler naturellement de la plume de Smart. Devenue plus limpide, son écriture offre une satire féroce de l’humanité que l’épreuve de la guerre n’a en rien atténuée. Tout comme l’ouvrage qui l’a précédé de plus de trente ans, L’arrogance des vauriens est un véritable chef-d’œuvre d’évocation poétique mettant en scène une existence redevenue ordinaire après avoir brillé de tous ses feux. Un des livres marquants de la littérature du xxe siècle.